La tactique en courses, c'est l'art avec lequel un jockey pilote son cheval pour lui donner les plus grandes chances possibles de gagner. En dehors de l'habileté professionnelle qui varie avec les hommes, il y a aussi la manière de s'en servir qui doit varier avec les chevaux et le genre d'épreuves auxquelles ils prennent part.
Une course de 1.000 mètres ne se court pas comme une épreuve de 2.400 mètres ou davantage ; la course en ligne droite est très différente de la course sur une piste circulaire (courses d'attente et courses en avant) ; les chevaux de deux ans ne se montent pas comme des chevaux d'âge. Il y a les départs au drapeau et les départs à la starting-gate... Il y a des chevaux trop nerveux et trop chauds qui ont besoin d'être calmés, d'autres trop froids, paresseux ou lymphatiques qui ont besoin d'être secoués plus ou moins fortement, etc. Autant de problèmes différents, dont on demande la solution au jockey, chaque fois, nous allions dire qu'il met le pied à l'étrier, mais pour être plus exact, il faut dire chaque fois qu'on le met en selle. Si le cavalier a déjà monté le cheval, il a pu reconnaître ou apprendre bien des choses par expérience, sinon l'entraîneur faisant office de « magister » le renseigne utilement pour qu'il tire le meilleur profit de son pensionnaire. C'est la « cérémonie des ordres », à laquelle participe souvent le propriétaire, qui n'a pas toujours voix au chapitre, mais dont la présence souligne l'importance de là consigne passée avec non moins de recueillement que de mystère. Il n'y a ordinairement pas de mur à côté pour avoir des oreilles, mais il y a beaucoup de spectateurs, curieux et parieurs, à l'affût, d'un quelconque renseignement pour les aider ou décider à placer leur argent, et ma foi, aux courses, c'est encore, bien plus qu'ailleurs, « chacun pour soi ! ! ».
Les tactiques susceptibles d'être utilisées en courses, aussi bien dans le training que dans le trotting, ne sauraient être présentées sous forme de règles, elles sont trop et surtout trop variables, mais nous pourrons du moins dire quelques mots concernant celles qui sont employées le plus couramment par les professionnels consciencieux sans qu'ils soient pour cela consacrés coram populo comme des « as de la cravache » ou une première étoile du firmament du turf.
LA COURSE D'ATTENTE
On dit d'un cheval qu'il a fait une course d'attente ou mieux, que son jockey lui a fait faire une course d'attente, quand il reste à l'arrière-garde du peloton pendant la plus grande partie du parcours pour venir faire son effort à la fin et gagner dans les cinquante derniers mètres.
Cette tactique, qui donne en général d'excellents résultats, est malheureusement d'une réalisation assez difficile. Il faut que le jockey puisse faire preuve d'autant d'intelligence que de patience et d'esprit de décision. Il ne faut pas, en particulier, qu'il prolonge par trop sa course d'attente, si les concurrents qui le précèdent l'emmènent dans un faux train, alors qu'il monte un cheval dont la qualité première est d'avoir de la tenue ; en pareil cas, l'esprit de décision qu'on lui réclame doit l'inciter à ne pas hésiter à prendre le train pour son compte.
Sans compter le désir légitime et instinctif du jockey, toujours tenté d'aller de l'avant, dans l'espoir du succès, il est certains chevaux particulièrement nerveux ou tirant comme des voleurs, avec lesquels il est difficile de rester derrière. En pareil cas, les efforts de l'homme s'opposant à ceux du cheval, sont autant de pertes d'énergie qu'il y aurait avantage à conserver pour la lutte finale.
Un autre inconvénient de la course d'attente est le risque que court le jockey, surtout s'il manque d'expérience et d'habileté, de se laisser enfermer dans le peloton ou bien de trouver devant lui, au moment de son effort, une ligne de chevaux qui l'obligent à venir à l'extérieur et, de ce fait, à perdre quelques longueurs.
La course d'attente en ligne droite, encore bien plus délicate, d'abord à cause des parcours réduits qui imposent presque la course de bout en bout, et puis aussi parce que le jockey devant suivre strictement sa ligne, son habileté professionnelle ne lui est plus d'aucun secours pour choisir sa place pendant la parcours.
LA COURSE EN AVANT
Si la tactique de la course d'attente est difficile dans son application, celle de le course en avant est à portée de la science de tous les jockeys qui n'ont qu'à poser les mains et laisser courir. Mais si les résultats de la première manière sont la plupart du temps favorables, il n'en est pas de même dans la seconde, où, non seulement le jockey ne réussit pas pour son propre compte mais souvent tire les marrons du feu pour le voisin. L'augmentation du nombre des partants dans les courses actuelles, la fréquence des bousculades, la difficulté, quelquefois l'impossibilité pour un cheval de traverser un peloton fourni, l'emploi de la monte et des nouvelles méthodes d'entraînement américaines sont autant de raisons qui peuvent expliquer pourquoi la course en avant est devenue d'une pratique à peu près courante. Sur les longues distances, elle ne peut être pratiquée qu'avec un très bon cheval ayant beaucoup de tenue, lui permettant de tirer avantage d'un train soutenu de bout en bout. Elle est par contre à peu près impossible à utiliser avec certains chevaux qui ne se livrent qu'autant qu'ils sont « encadrés », ou avec d'autres dont le caractère est sujet à caution et dont il faut prévoir des incartades.
De même, elle ne saurait être une tactique recommandable pour un cheval portant un poids élevé, surtout dans un terrain lourd.
La course en avant est particulièrement indiquée pour les chevaux vites sur leurs jambes, disposant d'une vitesse initiale, leur permettant de s'assurer un certain nombre de longueurs sur lesquelles ils peuvent vivre pendant un certain temps et même jusqu'au poteau d'arrivée.
Certains chevaux de handicaps qui portent des poids « duvet » s'en sont fait une spécialité qui leur réussit fort bien, et le plus souvent à grosse cote, à cause du « minuscule jockey » dont il faut réclamer les services pour faire le poids.
FAIRE LE JEU
On dit d'un cheval qu'il fait le jeu dans une course, quand il prend la tête dès le départ au lieu de rester groupé avec le gros du peloton de ses concurrents. On dit aussi, pour désigner cette tactique, œ qu'il prend te train à son compte », dans le but de forcer les autres chevaux à suivre son « jeu », sous peine de le laisser échapper et de Ke pouvoir le rejoindre avant le poteau.
Quand un propriétaire fait partir plusieurs chevaux dans une course, ce qui est particulièrement fréquent dans les grandes épreuves et de la part des grandes écuries — (le comte de Chavagnac dont l'écurie n'est pas très nombreuse mais est très importante de par la qualité de ses pensionnaires, a pris l'habitude, qui paraît à beaucoup superstitieuse, d'en mettre trois en ligne dans certaines courses. Sans doute sait-il que les nombres impairs réjouissent les dieux... du turf et que dans l'occurrence, trois vaudront mieux que deux). Il espère ou désire gagner avec un cheval plutôt qu'avec l'autre. Dans cette intention, le cheval sacrifié part seulement pour aider au succès de son compagnon, et lui rendre pendant la course les services légalement permis, en particulier celui de s'effacer au moment psychologique, et de lui céder sa place ou encore mieux la corde, en le laissant passer.
C'est toujours un grand avantage, pour un propriétaire, d'avoir deux chevaux dans une même course, cela lui permet de disposer"dû Train ai son gré, mais pour faire utilement le jeu, il faut pourtant que les deux chevaux soient d'une qualité suffisante pour que celui qui part en tête (le leader) ne soit pas considéré comme une quantité négligeable par les concurrents.
Il est arrivé souvent que certains chevaux chargés de faire le jeu et se trouvant « surclassés » dans une grande épreuve en sont, malgré tout, sortis vainqueurs pour avoir été négligés par les autres adversaires pensant qu'ils ne couraient pas leur chance.
La tâche ingrate de faire le jeu est aussi difficile, au moins pour le jockey qui l'exécute, que pour celui chargé de monter le favori du propriétaire. Il doit posséder un grand tact, afin de ne pas faire un jeu désespéré et inutile en marchant un train tel que son cheval ne puisse le soutenir pendant toute la durée du parcours. Il doit cependant mener la course assez vite pour que son camarade y trouve un avantage. Il lui faut se réserver pour la dernière phase de la lutte, où il doit encore occuper aux premiers rangs une bonne place, pour la céder à son compagnon, quand celui-ci arrive et se détache pour gagner. L'exécution de cette manœuvre demande un tact, une précision que ne possèdent pas tous les jockeys. « L'union fait la force », mais ne fait pas toujours le succès en courses.
LE FAUX TRAIN
Le faux train est une ruse de bonne guerre qu'emploie un jockey dans une course, vis-à-vis de ses concurrents, avec l'intention de les tromper et d'en mettre le plus possible dans sa poche, comme on dit en argot du turf. Elle consiste à prendre, si possible, en même temps qu'un départ volant, la tête du peloton comme si on cherchait à galoper à tombeau ouvert, puis progressivement, calmant ce beau feu passager, le jockey reprend petit à petit son cheval pour le laisser s'en aller librement dans une action régulière, qui peut être même au-dessous de son action habituelle.
Dans ces conditions, le leader, au lieu de se dépenser inutilement, comme certains sont tentés de le croire, garde des réserves pour les utiliser utilement dans un déboulé final ou dans une lutte mouvementée sur le poteau.
Cette tactique, d'une exécution difficile, sera réservée à certains jockeys peu nombreux et bien connus, qui en tirent le plus souvent de très grands avantages.
Les faux-départ
Les faux départs — l'écueil redoutable du training et du trotting — qui faussent la régularité des courses et lassent parfois la patience des sportsmen, reconnaissent des facteurs complexes inhérents :
1°) au cheval (impressionnabilité, rétivité, etc.) ;
2°) aux jockeys (désobéissance aux ordres du starter ;
3°) à l'aptitude professionnelle du starter (décision, calme, sang-froid, patience) ;
4°) au fonctionnement plus ou moins perfectionné des différents modèles de starting-gate.
Le faux départ a lieu quand un ou plusieurs chevaux, rangés en ligne pour se préparer à partir, s'élancent volontairement ou non, avant que le starter n'ait donné le signal en abaissant le drapeau ou levé les rubans.
Les faux départs, sont parfois accidentels ou, pour mieux dire, involontaires, c'est-à-dire qu'un cheval impatient se rendant compte qu'il va courir, force la main de son jockey et part malgré lui. Il entraîne même quelquefois un ou plusieurs de ses adversaires.
Mais le plus souvent les faux départs sont provoqués, les jockeys cherchant — particulièrement dans les courses à petites distances — à prendre un avantage illicite en partant avec une avance sur leurs concurrents.
Souvent, quand un cheval est connu pour avoir un caractère difficile, quelques-uns de ses adversaires cherchent à lui faire prendre un ou plusieurs faux départs, afin que, s'arrêtant difficilement, il s'épuise avant la course. Il y a pour les jockeys deux manières d'effectuer cette manœuvre. La plus simple est, au moment où les chevaux se mettent en ligne, de partir avant que le signal ne soit donné. La seconde, plus habile peut-être, consiste à se placer derrière le peloton et à ne se mettre en ligne que quand les autres chevaux impatientés, ont pris un ou plusieurs faux départs. En restant ainsi derrière les concurrents, un jockey paralyse le starter, pendant que ses adversaires se tourmentent et s'impatientent. Il faut un cheval très calme pour exécuter cette tactique.
Les faux départs répétés — dont la fréquence, hélas ! est désespérante — déterminent, principalement chez les chevaux « hypernerveux », un déficit énergétique susceptible de compromettre leur succès ; certains laissent leur chance à la starting. A cette cause de dépression, il convient d'ajouter celle consécutive aux parcours supplémentaires effectués. Certains concurrents effectuent plusieurs fois des distances en avant, variables de 100 à 200 mètres. Quelquefois, le contre-signal est donné si tardivement que les chevaux, déjà en plein train, ne peuvent être arrêtés qu'après 500 mètres environ. Il serait puéril, dans ces conditions, d'insister sur le rôle néfaste des faux départs.
Le dressage incomplet des chevaux à la starting-gate, et surtout l'indocilité des jockeys, jouent le rôle dominant dans les faux départs.
Eliminer les « rogues au départ » devrait être érigé en règle absolue, car il est antisportif de sacrifier la chance des bons chevaux par une série de faux départs, à celle d'un « rétif » qui constitue, du fait de son irritabilité, un déchet sportif.
Les règlements en France imposent le départ de pied ferme ; mais cette règle, en réalité, est fictive, car les jockeys — sauf de très rares exceptions — cherchent frauduleusement à bénéficier des avantages dévolus — sous le rapport de la vitesse initiale — au départ à l'élancé. Certains, parmi les fanatiques de cette tactique, considérant les rubans comme un obstacle à franchir, abordent la starting-gate au galop.
La possibilité du départ de pied ferme — le seul pouvant théoriquement assurer la régularité des courses — est niée par les jockeys qui affirment, du fait de l'extrême nervosité des pur sang, ne pouvoir obtenir l'immobilité et l'alignement des chevaux. En outre, ils prétendent que de fréquents et graves accidents, dus aux mouvements violents de défense (pointer, cabrer, ruades, etc.) pourraient s'observer.
En réalité, le départ de pied ferme, pour les jockeys fraudeurs, ne leur permettrait pas, par des déplacements désordonnés et voulus de leur monture, de gêner un concurrent au départ.
En toute équité, on peut affirmer que l'indocilité, la désobéissance, l'insubordination des jockeys compliquent le rôle ingrat du starter. La rétivité des cavaliers explique pourquoi l'usage de la starting-gate n'a pu faire acquérir — comme on était en droit de l'espérer — l'alignement méthodique des chevaux et la régularité mathématique des départs.
Je peux me tromper s'il y a des erreurs dans les explications prière me le faire savoir !
Jean-François
Bonne culture hippique à vous.